Alexandre Sage, dentiste libéral à Meylan, fondateur de l’association Solident nous raconte ce mois-ci comment l’aventure Solident a commencé, de l’association à la création du centre de santé. Le GRCS Auvergne Rhône-Alpes le remercie pour ce témoignage.
Comment est née l’Association Solident ?
En 2015, j’entends parler du Bus Social Dentaire à Paris : c’est le déclic, je souhaite aussi proposer des soins dentaires aux plus démunis, à Grenoble. En 2016 l’association Solident est montée, avec le soutien de l’ARS, grâce à l’obtention d’un budget FIR (Fond d’Intervention Régionale). La structure a comme vocation de soigner, de proposer des soins dentaires aux personnes dépourvues de couverture sociale. L’obtention de cette subvention nous permet de louer des bureaux dans une maison de santé pluridisciplinaire et d’employer une assistante dentaire et un médiateur sanitaire (travailleur social). La totalité du matériel dentaire est du matériel de récupération : nous n’avons jamais eu besoin d’acheter ou d’investir.
Solident démarre alors avec 3 matinées de soins par semaine, assurées par des dentistes bénévoles.
Depuis, nous avons soigné 350 personnes par an sur 1000 créneaux de soins disponibles : certains nous les voyons une fois, d’autres plusieurs fois, en fonction des soins qu’ils nécessitent.
(légende de la photo : une partie de l’équipe Solident : Pierre Hervé Thivoyon (trésorier), Boris Roche (médiateur sanitaire et coordinateur du projet de Centre de Santé Dentaire), Alexandre Sage, et Sandrine Pourcelot (assistante dentaire).
Concrètement, comment fonctionne Solident ?
3 axes structurent Solident :
– la mobilisation de dentistes bénévoles : “je mouille ma chemise”, j’ai créé un réseau, on se rencontre régulièrement, ça permet de créer des liens. La force bénévole s’est un peu essoufflée avec l’épidémie Covid mais nous avons toujours trouvé des bénévoles. Sur les 30 bénévoles il y a une équipe fidèle de 10 personnes.
– la médiation sanitaire : l’un des salariés est un travailleur social. C’est un poste essentiel à la prise en charge des publics vulnérables.
– le travail par prescription : tous les patients sont envoyés par d’autres structures. Au début, ils nous étaient adressés uniquement par la PASS (Permanence d’Accès au Soins de Santé) et par Médecins du monde. Aujourd’hui nous avons un réseau de 73 prescripteurs, soit toutes les structures médico-sociales de Grenoble.
C’est l’une des clés de notre réussite : travailler avec des structures médico-sociales, nous permet d’avoir un vrai suivi des patients en situation de précarité. Cela permet de maintenir le lien, de s’assurer qu’ils puissent continuer à suivre leur soin. Les structures prescriptrices travaillent avec nous et aident ces personnes à obtenir leur couverture sociale.
Une fois qu’ils obtiennent leur couverture sociale, quel est le parcours de ces patients ?
Normalement, ils devraient pouvoir trouver des praticiens qui les prennent en charge, mais ce n’est pas si simple. On s’est rendus compte que ce n’est pas parce qu’ils bénéficiaient enfin d’une couverture sociale, qu’ils obtenaient facilement des rendez-vous ou qu’ils avaient la même qualité d’accueil. Nous voyons donc revenir les patients à Solident, en nous disant que la prise en charge est meilleure. Ici il y a l’écoute, nous prenons le temps nécessaire pour se comprendre et les accompagner. En parallèle de ce constat de difficultés d’accessibilité aux soins, nous nous rendons aussi compte d’être sous-dimensionnés : trop de demandes par rapport au créneaux disponibles et lorsqu’on travaille avec ces publics il faut veiller à ne pas avoir des délais de rendez-vous trop longs. Nous devions passer à la vitesse supérieure.
Que s’est-il passé ensuite ?
La volonté a toujours été de créer une dentisterie publique. Cela c’était possible en créant un centre de santé dentaire, porté donc par l’association Solident. C’est à cette occasion que nous avons rencontré le GRCS et travaillé plus précisément avec Anna Cruaud et Cyril Plasse qui nous ont accompagnés dans toutes les étapes de la création du Centre de santé. Le travail fait nous a permis d’obtenir notre agrément Centre de Santé de l’ ARS et de la CPAM. Je souhaite d’ailleurs saluer et remercier le travail avec le GRCS qui nous a permis d’aboutir et de concrétiser le projet.
Aujourd’hui, où en est le centre de santé ?
Nous avons ouvert il y a quelques semaines. Nous sommes toujours dans les mêmes locaux, en plein centre de ville de Grenoble, au sein de la Maison de santé pluridisciplinaire. Cet emplacement central, nous permet d’être très accessibles et également de permettre à notre public d’être accueilli parmi d’autres patients, en évitant toute stigmatisation.
Depuis début mars, nous avons toujours 3 vacations bénévoles pour les patients sans couverture sociale et 1 jour par semaine de dentiste salarié, qui prend en charge les patients dotés de couverture sociale (soit AME soit CMU). Ce que nous remarquons, c’est qu’il s’agit très souvent de patients Solident, qui préfèrent continuer à venir nous voir, en bénéficiant désormais d’un suivi avec un même dentiste.
Quels sont vos prochains défis ?
Ces premiers mois vont nous permettre d’éprouver le modèle, pour l’instant c’est prometteur. En parallèle, nous sommes en train de finaliser une convention d’occupation avec le CHU de Grenoble. En 2023, nous devrions intégrer un grand espace au sein de l’hôpital, en restant tout aussi accessible pour notre public. Le deuxième défi sera d’embaucher 6 dentistes exclusivement salariés pour le Centre de Santé. Enfin, dans le cadre d’un DLA nous travaillons depuis 6 mois avec un cabinet de consultants qui nous enrichit d’un autre regard organisationnel et nous sommes en train de mettre en place un système de gouvernance, dans lequel les patients aussi seraient représentés, pour que leur voix soit entendue.
Concernant votre objectif de 6 dentistes salariés pour le centre de santé, vous n’avez pas peur de vous confronter à des difficultés de recrutement ? Comment allez-vous les fidéliser ?
Parmi les dentistes bénévoles qui se mobilisent pour Solident, il y en a pour qui le salariat au sein de centre de santé est une perspective intéressante, ils pourraient nous suivre. Nous misons sur la qualité de vie au travail : mise en place de bonnes conditions de vie au travail, mise à disposition de plateau techniques pour favoriser l’exercice dans de bonnes conditions matérielle,…C’est un pari, oui, mais la qualité de vie au travail est une valeur très importante pour nous, comme la qualité de l’accueil des patients.
Nous tenons aussi beaucoup à la notion de travail pluriprofessionnel, en équipe, et avec une philosophie tournée autour de l’accueil des patients, de leur prise en charge, et de la nécessaire éducation thérapeutique et de la prévention à dispenser en plus des soins.
Rendez-vous est pris dans quelques mois pour suivre les évolutions du Centre de Santé, Alexandre Sage a encore d’autres projets en cours pour une meilleure prise en charge des publics les plus éloignés des soins.