Quelles actions déployées depuis février pour les patients ? Les aidants ? Les soignants ? La crise de la covid et les deux confinements ont des effets marqués sur la santé mentale de la population. Les professionnels rencontrés nous ont partagé les réalités de leurs centres et les actions mises en place, à la fois à destination de la patientèle et des équipes.
Des appels téléphoniques pour soutenir les patients isolés et vulnérables
D’après l’enquête CoviPrev, menée par Santé Publique France depuis mars 2020 (1), la santé mentale des français s’est dégradée en cette année 2020 par rapport aux données du baromètre 2017, avec une augmentation importante des états anxieux et dépressifs, et des problèmes de sommeil pour l’ensemble de la population et particulièrement chez les jeunes et les catégories socioprofessionnelles inférieures.
Se mobiliser pour faire face à l’isolement social des patients qui peut notamment entraîner des états anxieux, est identifié par les centres comme un des enjeux clefs de cette période covid. Lors du premier confinement, à côté de téléconsultations réalisées par les psychologues, la plupart des centres rencontrés ont mis en place des campagnes d’aller vers, en appelant régulièrement les patients isolés et angoissés pour prendre de leurs nouvelles, leur offrir un temps d’écoute et diminuer ainsi le stress et l’angoisse. Pour les structures intervenant à domicile comme l’AIMV, l’intention de ces appels était aussi de rassurer les patients fragiles sur les mesures de protection pour ceux qui ne voulaient plus recevoir de soignants ou d’aides à domicile, avec un refus de suivi médical par peur de la contamination.
Des initiatives pour maintenir le lien social
Pendant le premier confinement, le centre de santé communautaire Village 2 Santé a fait du porte à porte sur tous les immeubles du quartier où il est situé, pour voir comment les habitants allaient, ce qui se passait pour elles et eux. Benjamin Cohadon, coordinateur témoigne : « Cela nous a aussi permis de repérer les personnes isolées, de recréer du lien et si besoin de réorienter vers les différents services sociaux. » Les ateliers d’échanges et de relaxation qui ont pu reprendre après le premier confinement, ont « permis aux gens de prendre la parole sur ce qu’ils avaient vécu, sur les situations sociales compliquées dans lesquelles ils se retrouvaient et de recréer du lien. […] Même si on a l’impression de faire de l’urgence humanitaire avec des situations très compliquées, on a l’espoir d’éviter à certaines personnes de tomber dans des spirales d’abattement. »
Le café des aidants porté par le centre de soins intercommunal du Velay-Vivarais, qui avait dû fermer ses portes pendant les confinements, a rouvert ce samedi 19 décembre. Stéphanie Chomarat, infirmière coordinatrice partage : « Les gens ont été très isolés, d’autant plus les personnes aidantes, le fait d’être confiné avec leur personne soignée, malade, handicapée, ça a été vraiment compliqué pour elles et eux. […] Aussi, beaucoup de gens ont eu des syndromes dépressifs, des lâcher-prises dans leur prise en charge, donc il a fallu raccrocher beaucoup de gens. On y allait pour un soin et on restait un peu plus, parce que les gens ne voyaient plus leurs enfants, leurs petits-enfants. Il y a un gros isolement social. »
Accompagner et soutenir les professionnels des centres de santé
Les centres interrogés le partagent, les professionnels de santé vivent une période éprouvante. Dr Philippe Pichon, médecin référent au sein de l’AGECSA note le rôle clef des temps d’équipes et de la structuration collective « Je pense que l’action collective a été un soutien qui a diminué la souffrance en tant que professionnels. La pluri professionnalité et l’activité de groupe ont été un moyen de traverser ce qui a été une épreuve aussi pour les soignants de façon assez adaptée. ».
La structuration collective en centre de santé a également permis de mettre en place des actions spécifiques de soutien psychologique à destination des soignants dans plusieurs centres de santé. À l’AIMV, la psychologue de l’accueil de jour, a consacré du temps de travail à du soutien psychologique aux salariées avec des échanges par téléphone ou en visio, une fois tous les 15 jours pour débriefer. Pendant la première vague, au sein de l’un des centres de la FDGL, une psychologue de groupe est intervenue auprès de professionnels en souffrance, avec des séances par skype bénéfiques et appréciées.
Dans un autre registre, au sein du centre lyonnais de la MGEN, l’année 2020 se termine par une action de prévention et bien-être au travail, avec des séances pour les professionnels du centre de massage assis, de réflexologie plantaire, d’improvisation théâtrale et de sophrologie.
Ressources :
Retrouvez dans cet article sur le site de l’ARS la liste des plateformes d’écoute qui existent pour les personnes qui ressentiraient le besoin d’être accompagnées. Certaines plateformes sont spécifiquement dédiées aux professionnels de santé qui ressentiraient un isolement professionnel ou un besoin d’assistance psychologique.
Cet article a vu le jour suite à des échanges avec plusieurs professionnel·les :
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- Dr Dorothée Gilbert, Médecin généraliste au Centre de Santé Jean Goullard à Vaulx-en-Velin, Médecin coordinateur médical de la FDGL
- Dr Philippe Pichon, médecin généraliste au sein du centre de santé Arlequin à Grenoble, médecin référent au sein de l’AGESCA et Matthieu Bertoncino, coordinateur médical du centre de santé Arlequin
- Chloé Deniau, Directrice adjointe du Centre médical et Dentaire et Établissement de santé mentale de Lyon, et l’Établissement de santé mentale de Grenoble au sein de la MGEN
- Isabelle Viallon, Directrice adjointe de l’opérationnel, au sein de l’AIMV
- Stéphanie Chomarat, infirmiere coordinatrice du Centre de soins intercommunal du Velay-Vivarais
- Benjamin Cohadon, coordinateur au Village 2 Santé, Centre de santé communautaire à Echirolles
Merci à toutes celles et ceux qui ont témoigné des actions de leur centre dans cet article !
(1) https://www.santepubliquefrance.fr/etudes-et-enquetes/covid-19-une-enquete-pour-suivre-l-evolution-des-comportements-et-de-la-sante-mentale-pendant-l-epidemie#block-249162
Photo 2 : Martijn van Exel – ccbysa